"Ne joue pas ce que tu connais, joue ce que tu ignores..."
Miles DavisUn paysage nous apprend bien davantage sur notre imaginaire que sur la configuration d’un lieu ; à travers lui s’entame un grand voyage intérieur. Souvent je me suis entendu dire que mes photographies étaient dépaysantes, qu’elles évoquaient d’autres latitudes d’autres mondes. Instinctivement, c’est vrai, j’ai toujours recherché l’ailleurs : la plupart du temps je le vois et le ressens presque partout. Une sorte de prédisposition à oublier où je suis et ce qui devrait m’être familier. Je m’ouvre systématiquement à la découverte.
Pour moi, l’essentiel n’est pas dans l’anticipation et sa cohorte de repérages, mais dans l’ouverture d’esprit ; le regard qui se pose, la symbiose avec l’environnement, le plaisir d’être là, au présent, comptent davantage que mon projet final. J’avance d’un pas tranquille, attentif à chaque rayon de lumière, à chaque scène qui s’offre à moi. Mes photographies ne sont pas le fruit de ma volonté, elles me sont proposées par la nature, offertes par le hasard. Rien n’est sure. Le moment vécu prend le pas sur la garantie du résultat…
Cette approche est une source intarissable d’émotions car elle s’ancre profondément dans l’instant ; ce qui est ressenti l’est sans détours, sans artifices. Les sentiments n’en sont que plus vifs, plus acérés. Ils naissent d’une ombre, d’un souffle, d’une perspective ; ce ne sont plus les mots, la géographie ou les concepts qui déclenchent nos sensations comme des processus attendus, mais la simple vérité des sens. J’espère alors que ce qui sera intensément vécu sera intensément ressenti par le spectateur. Cet exercice mène à un dépaysement systématique car je ne cherche jamais à illustrer ce que l’on s’attend à voir ; la région et ses stéréotypes sont oubliés, les paysages que je découvre n’ont plus aucune nationalité. Pour voir l’ailleurs, il faut être nulle part.
Chacun de nous entretient sa propre perception du monde, à travers le filtre de ses sensations, de son éducation, de sa culture ; photographier est incontestablement un acte subjectif et créateur. Mais c’est aussi, et surtout, un acte de partage ; on peut partager ses joies et sa mélancolie, comme livrer ses rêves ou ses convictions. C’est le sens de mes photographies : une contemplation admirative de ces équilibres subtils entre ciel et terre, et une invitation militante, un plaidoyer passionnel pour ces paysages sauvages que j’aime tant.
Il ne s'agit pas simplement de proposer de belles images, mais de projeter le spectateur dans ses propres émotions, de montrer ces instants et ces détails particuliers qui engendrent le mystère, font appel aux arcanes de notre inconscient et inscrivent nos rêves dans une réalité contemporaine. Un regard différent sur la nature, un regard de photographe certes, mais qui suggère une deuxième lecture de ces paysages, comme une porte ouverte sur un monde oublié, caché au plus profond de nos inconscients, un royaume extravagant propice à tous les enchantements...
La photographie est rarement perçue comme un art, en particulier la photo couleur : elle est si proche du réel que nous avons l’impression que c’est simplement le réel. Le noir et blanc gomme cette dimension colorée et devient naturellement différent de la réalité ; on admet donc plus volontiers qu’il puisse être « artistique » et transcender le quotidien. La couleur s’avère pourtant un magnifique outil créatif ; c’est un langage en soi, une faiseuse de rêve tout autant qu’un stimulant émotionnel. Certes, elle décore, elle enjolive, elle distrait à l’occasion, mais fait aussi bien davantage : la couleur va au-delà de la forme, elle l’habille, la modèle, la rend agissante. C’est une vibration. Dans certains contextes, elle baigne toute chose, même l’air !
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- Membre fondateur du collectif Croisons nos regards
- Créateur du festival photo PHEMINA, consacré à la place des femmes dans la photographie
Mon équipement
Depuis le départ, j'utilise un équipement photo relativement simple, loin de toute surenchère technologique permanente. J’accorde la priorité à l'aspect pratique et à la fiabilité ; la photographie dans la nature implique de porter son matériel des heures sur des terrains escarpés sous toutes sortes de climats. Je privilégie donc un boitier reflex 24x36 numérique (après avoir longuement travaillé en argentique) et trois zoom allant de 18 à 200mm. Mon boitier actuel est de type plein format, mais j'ai aussi utilisé des APSC et un bridge. Pour transporter le tout, des sacoches-banane que je porte à la ceinture, plutôt qu'un sac à dos qui fait rapidement transpirer. Accessoire indispensable : mon trépied que j'emporte partout.