du 08 avril au 17 septembre 2023
J’ai été choisi pour produire une vingtaine de portraits photographiques contemporains qui s’inscrivent dans l’exposition de peintures et gravures des collections du XIXéme. A travers cette exposition, vous découvrirez plusieurs sections abordant le portrait officiel, le portrait artistique, le portrait intime, la caricature ou bien encore la tête d’expression.
J’ai réalisé une série de portraits, fruit de mes entrevues avec les résidents des EHPAD de Ville de Nemours et Ville de Saint Pierre lès Nemours, des élèves de l’IME de Ville de Moret Loing et Orvanne, ainsi que des enfants du centre de loisirs de Nemours. Une expérience riche et intéressante humainement, avec le chalenge de prises de vues en lumière naturelle et dans l’improvisation constante ; tout ce que j’aime !
Voici la présentation de ma démarche artistique :
Le portrait est sans doute l’une des toutes premières sources d’inspiration picturale. Depuis les portraits égyptiens antiques, jusqu’à l’art contemporain numérique, la représentation du visage est un profond marqueur de l’identité spirituelle et individuelle. La photographie est venue parfaire ce souci d’identification à travers l’hyperréalisme de son procédé ; reprenant les codes de la peinture, le cadrage, la façon de poser la lumière, l’attitude du sujet, ont été répétés dès les premiers ferrotypes du 19e siècle. En plus de sa fabuleuse précision, la photo fut aussi l’instrument de démocratisation du portrait, naguère réservés aux plus fortunés ; n’importe quelle famille pouvait désormais garder le souvenir glorieux d’un être cher ou d’une occasion marquante de la vie… L’accession individuelle à l’appareil photo bon marché et au tirage photographique personnel ont finit de précipiter le portrait dans la sphère du quotidien et de la consommation de masse.
La série de portraits que j’ai réalisés pour cette exposition s’articule donc comme un prolongement naturel des collections du château : un prolongement temporel d’une part, en illustrant la succession des supports artistiques dans le temps, mais aussi un écho à l’éternelle charge émotionnelle des portraits peints, qui va bien au-delà de la simple reproduction physique d’une personne…
Comme un tableau, une photographie fige son sujet dans le temps. Cette notion du temps, d’une date, d’un age, est un axe autour duquel j’ai voulu travailler. Peut-on extraire le sujet d’une époque particulière en épurant un décor, ou au contraire laisser des indices précis d’une date ? L’age d’une personne peut-il être renforcé ou décalé par le choix d’un lieu ou d’objets particuliers visibles sur l’image ? Comment la nature du support photographique choisi, le spectre des couleurs, fixent-ils le curseur qui va du rétro à la modernité ?… Autant de questions qui m’ont conduit à sélectionner des environnements, des « paysages » et des lumières particulières pour orienter l’interprétation et le ressenti de ces photographies.
Vous remarquerez sans doute que toutes les photos sont marquées par des taches ou des raies de lumière « parasite » : ce fil conducteur est un marqueur de la présence du Temps. Car depuis Einstein, nous savons que la lumière est porteuse du temps (et plus particulièrement du passé), et que sa vitesse rend le temps individuel élastique…
Venant de la culture du Paysage, j’ai aussi fréquemment choisi ce format de cadrage (par opposition au format dit « portrait ») pour renforcer la mise en situation de mon sujet ; la personne n’est plus seule, comme isolée du monde, mais incluse dans une scène un peu plus vaste qu’elle. Cette scénographie, même très dépouillée, est bien souvent l’indicateur subconscient le plus efficace pour influencer l’image intérieure que le spectateur va se faire de la personne photographiée.
Toutes les images ont été prises en lumière naturelle et dans un très court laps de temps. Pas d’accessoires, de décors ou de mise en scène anticipée, juste le choix d’un lieu sélectionné dans l’immédiateté. Une démarche qui se veut volontairement inverse à celle du peintre classique, qui à tout sont temps et toute liberté de sa scénographie. Un clin d’œil personnel à l’école de Barbizon, qui introduisit la peinture « sur le motif »…
Enfin, vous noterez que le sourire est souvent absent et que la personne ne regarde pas obligatoirement l’objectif. Un hommage à la peinture du 19e qui excluait généralement le rictus, mais aussi une façon d’aller capter une humanité plus profonde, au-delà de l’expression d’un vernis de joie imposée ou factice. Quand au regard qui contemple un ailleurs, c’est une fenêtre sur l’intériorité, le témoignage d’un instant privé qui exclut le photographe, l’antithèse de la « pose ».
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