Autrefois perçu comme une « pollution visuelle », le street art est aujourd’hui porté aux nues, coté dans les enchères d’art et commandité de toutes parts. Dans la foulée, Montréal s’est taillé une place de choix dans le milieu mondial des arts de la rue et du graffiti.
Le festival Mural, sur le boulevard Saint-Laurent, s’est déjà taillé une place de choix dans le monde de l’art urbain. Depuis quatre ans, les journalistes et blogueurs encensent l’événement qui semble faire l’unanimité auprès des acteurs de la ville, des citoyens et des commerçants. Pourtant, ici comme ailleurs, le graffiti a longtemps été une pratique marginalisée et stigmatisée, souvent défini comme un agent perturbateur et associé à la petite délinquance. En 2004, l’artiste Roadsworth était écroué et accusé de 53 chefs d’accusation pour avoir égayé de sa bombe aérosol les trottoirs et le macadam de la métropole québecoise.
L’image de l’art urbain à Montréal s’est métamorphosée en moins d’une décennie et vit aujourd’hui des jours heureux, comme dans plusieurs métropoles du monde. « Je travaille dans plusieurs pays et tous les festivals se ressemblent désormais. Mais il y a quelque chose de spécial ici, où vivent plusieurs de mes amis et mon agent. Montréal est devenue énorme. Pour les artistes, c’est la place où il faut aller », affirme Ricardo Cavolo, un muraliste espagnol, qui trouve d’ailleurs Montréal plus pétillante que Barcelone côté street art.
Underpressure, premier événement consacré aux graffitis et à la culture hip-hop à Montréal, est maintenant soutenu par la Ville. C’est le plus ancien festival de culture urbaine encore actif. L’organisme qui produit l’événement gère aussi la galerie Fresh Paint, où de nombreux graffiteurs exposent leurs oeuvres. Le même organisme a aussi donné naissance à un programme de formation à l’art urbain à l’école secondaire James Lyng de Saint-Henri, dont tout le cursus — y compris les math ! — valorise la créativité par l’entremise du street art et de la culture hip-hop.
Le graffiti est donc valorisé, mais surtout dans sa forme légale et institutionnalisée, encadrée et régulée par des promoteurs d’événement. À Montréal, les graffitis habillent pourtant le paysage depuis longtemps et ils participent à la vie sociale de nombreux quartiers.
La seule différence majeure entre une murale et un graffiti, c’est la légalité. La murale est un graffiti qui a été commandé à un graffiteur qui est payé pour son travail. D’ordinaire, les graffiteurs ont l’habitude de partager les mêmes murs. Ces derniers ne sont donc plus uniquement des canevas, mais des plateformes de commentaires, de notes, de réflexions. Plusieurs graffiteurs qui ont fait leurs classes dans les rues de Montréal vivent aujourd’hui de leur art. Assidûment scrutés, les comptes Instagram sont devenus les terrains de chasse privilégiés des galeristes pour dénicher les artistes les plus prometteurs.
Dans certains pays européens (en France, notamment), on a étendu le droit d’auteur à l’art urbain. On ne peut plus prendre une photo où est visible une murale sans demander l’autorisation à l’ayant droit. À Montréal, ce droit n’existe pas. Le graph y est toujours un espace de liberté et de libre exposition !